Elisabeth RAMILLON

Publié le 3 janvier 2009


« ne jamais avoir peur de douter… »

Nature ou parfumée aux épices ? Elisabeth Ramillon vend sa fleur de sel de l’Ile de Ré sur les marchés. Après 25 ans dans la restauration, et un accident du travail, elle a décidé de changer de vie.

  • Elisabeth Ramillon, 50 ans
  • Société : Le p’tit marché de Babeth
  • Activité : Vente de fleur de sel de l’île de Ré sur les marchés
  • Date de création : Le 28 mai 2005
  • Forme juridique : entreprise individuelle

Elisabeth Ramillon

Quelle est votre activité ?

Elisabeth Ramillon : Je vends sur les marchés la fleur de sel de l’île de Ré. Et je ne travaille qu’avec le produit frais, la récolte de l’année. Je ne vends pas de vieux sel.

Qu’appelez-vous du vieux sel ?

E.R. : Quand un sel a été séché sa teneur en sodium augmente. Il est fort. Et mauvais pour la santé ! En revanche quand il est frais, le sel garde intactes toutes ses valeurs nutritionnelles. C’est cette fleur de sel de l’île de Ré, riche en oligoéléments, que je vends nature ou parfumée aux épices. J’ai 18 sortes de sels épicés que je prépare moi-même.

Qu’avez-vous fait avant de vous retrouver sur les marchés ?

E.R. : J’ai travaillé 25 ans dans la restauration. J’étais maître d’hôtel. En 1995 j’ai pris une trappe en fer sur le genou. Elle m’a sectionné les croisés antérieurs. Depuis je suis reconnue travailleur handicapé par la COTOREP. Sans morphine et genouillère, je ne peux plus tenir très longtemps debout. Après cet accident, j’ai perdu mon travail. En 1996, j’ai ouvert un snack sur l’île de Ré. C’est là que j’ai rencontré les producteurs de sel, et que je me suis passionnée pour ce métier. En septembre, j’ai « cassé » mon opération. J’avais été un peu vite. C’était un peu tôt. J’ai dû tout revendre en catastrophe. J’ai énormément perdu financièrement et moralement. J’ai fait un peu de restauration rapide par la suite, mais je n’étais pas dans mon élément. Je sortais de la restauration gastronomique pour atterrir en pizzeria. Quand vous avez été maître d’hôtel, se retrouver « porteuse d’assiettes », c’est dur.

Pourquoi ne pas avoir demandé une rente d’invalidité ?

E.R. : Pour toucher une invalidité de la COTOREP il faut être reconnu travailleur handicapé à 80%. Ce qui n’est pas mon cas. Et heureusement, car je n’en voulais pas de cette invalidité. Ce que je voulais, c’était retravailler. Le problème c’est qu’aucun patron ne voulait m’embaucher. J’en ai vu 50 au total. Dès que vous signalez que vous êtes COTOREP, on vous répond que l’on ne veut pas être responsable de votre rechute. Là j’ai compris qu’il fallait que je crée mon entreprise. Et ce d’autant plus vite, que je me suis retrouvée au RMI.

Comment avez-vous réussi à rebondir ?

E.R. : Sur l’île de Ré ! J’y allais pour me ressourcer. Et puis cela faisait un moment que j’avais dans l’idée de vendre de la fleur de sel. Là-bas un producteur m’a persuadée de faire un essai. Je suis rentrée avec 250 kilos, j’ai acheté une table, un chariot, et je me suis installée devant une boulangerie, rue Lecourbe. Et ça a marché ! L’adjointe au Maire du 15e m’a aidée à trouver une place sur les marchés, et m’a conseillée de créer mon entreprise. Comme je ne savais pas par où commencer, j’ai contacté la COTOREP, qui m’a dirigée sur l’ADIL. Aujourd’hui, ils m’accompagnent encore.

Quelles difficultés rencontriez-vous ?

E.R. : Au début je travaillais à pied. 70 kilos à pousser sur mon chariot. Du coup, je me suis abîmé un tendon à l’épaule. Je dois me faire opérer. Mais ce n’est pas grave ! Il fallait donc que je trouve un véhicule qui puisse se conduire sans permis. Je ne l’ai pas. J’aurai pu le passer, mais je n’avais plus le temps. Le marché m’attendait.

Qu’est-ce que vous attendiez de l’ADIL ?

E.R. : En fait, je ne connaissais pas l’ADIL. Avant de les rencontrer, je savais que j’avais droit à certaines subventions, COTOREP et AGEFIP, qui sont données aux travailleurs handicapés. Je m’étais d’ailleurs mise à travailler pour être crédible auprès de ces organismes. J’avais tellement peur qu’ils trouvent mon petit projet minable, que je voulais leur démontrer que j’étais capable de faire du chiffre. Quand je suis arrivée à l’ADIL, ils m’ont aidée à monter ces dossiers. Sans eux, je crois que je me serais découragée. Résultat, aujourd’hui j’ai mon camion.

Qu’est ce qui vous a plu dans l’approche de l’Adil ?

E.R. : L’accueil, la disponibilité. Et surtout, pour moi, une très grande stimulation. Par moment, j’ai eu l’impression que l’ADIL croyait plus en mon produit que moi. Mon consultant m’a encouragée, il savait que c’était très dur pour moi de travailler à pied, de pousser un chariot lourd à 6 heures du matin et revenir à 14 heures du marché…

Vous aviez choisi d’être accompagnée…

E.R. : Je n’avais pas beaucoup de temps. Trois jours par semaine, je suis sur les marchés et avant monproblème d’épaule, je faisais les comités d’entreprises. Le reste du temps, je prépare mes sachets. Broyer les épices, peser, mélanger… cela m’occupe 18 heures par semaine. Etre accompagnée par un consultant, c’est une formule qui me convenait parfaitement. On choisit son heure, son sujet… on a des conseils adaptés.

A quoi n’étiez vous pas préparée ?

E.R. : A développer ma gamme de produits. Je pensais au départ me situer simplement dans le sel. La fleur de sel, le gros sel, les caramels et les biscuits à la fleur de sel. Je me suis rendue compte qu’il fallait avoir beaucoup plus de produits sur son stand. Des rillettes de thon, de saumon, des salicornes… Vous savez, un sachet de sel, pour un couple, c’est la consommation d’un mois. A 4,50 € nature et 5 € épicés, il fallait que je me diversifie pour vivre.

Quand avez-vous eu le sentiment d’être chef d’entreprise ?

E.R. : Je me souviens du jour où j’ai vendu mon premier sachet. Un bonheur. D’ailleurs j’ai fait ce jour-là ma plus belle recette : 301 €. Un car de Japonais m’était tombé dessus. J’étais folle de joie. Là, je me suis dit « c’est parti ». Le samedi d’après, j’ai fait 10 €. Il faut être humble ! Pour tout vous dire, je me sentirai pleinement chef d’entreprise lorsque je pourrai physiquement travailler cinq jours par semaine et pas trois.

Quel conseil donneriez-vous à un créateur
d’entreprise ?

E.R. : De ne jamais avoir peur de douter. Chaque fois que j’ai douté, je me suis construite, j’ai travaillé sur moi-même… Douter, c’est évoluer.


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